La Tension Intersubjective Perverse (“TIP”)

C’est l’équivalent pervers du lien amoureux. C’est le fruit de l’affrontement de deux fonctionnements pervers-narcissiques, fournissant aux protagonistes la stimulation externe dont ils ont compulsivement besoin. Ceci s’effectue sous forme d’attaques de l’intégrité psychique (narcissique ou sexuelle par exemple) indifféremment infligées ou subies. Pulsions offensives et contre-offensives s’affrontent en son sein sans discontinuer. Elle est donc un élément constitutif du couple pervers narcissique.

Les délires alternés, jamais congruents

Ce concept demande encore à être étayé. Il émane de l’observation suivante : au cours de certaines thérapies de couple, l’un des conjoints se lance dans un discours à tonalité délirante, au sens où nous l’entendons (sens large, caractérisé principalement par la rigidité des convictions, inaccessibles au raisonnement), par exemple une diatribe de jalousie pathologique. Le partenaire réagit vivement à la violence de cette attaque. Sa réponse a ceci de particulier qu’elle ignore totalement le contenu de ces accusations infondées et insensées, leur déniant tout sens, au contraire de ce qu’on pourrait s’attendre d’une réaction de type névrotique, pour enchaîner avec une attaque  sur son propre thème délirant, par exemple à thématique sexuelle (reprochant au conjoint une certaine brusquerie lors de la nuit de noces, 30 ans auparavant).

Les deux thèmes délirants s’affrontent donc au sein du couple, chaque partenaire tentant d’imposer le sien à l’autre. Cette lutte, parfois âpre, peut également basculer en une coalition contre les thérapeutes, les deux conjoints passant alors sans ambages d’un délire à l’autre, créant ainsi une grande confusion dans l’esprit des thérapeutes – qui se retrouvent atteints dans leur capacité de penser.

Dans La haine de l’amour, nous avions décrit un couple qui passait ainsi sans ambages d’un argument d’ordre psychologique (« Tu ne m’aimes pas assez ») à un autre, d’ordre somatique (« Le problème entre nous n’est qu’une MST »).

De tels échanges ne visent pas à l’élaboration d’une difficulté de couple, pour laquelle ils auraient consulté ; ils nous donnent à voir la manifestation concrète du véritable problème : chaque partenaire est indispensable à l’autre pour pouvoir représenter sous forme matérielle son délire.

On pourrait inférer une certaine analogie avec le concept de Racamier de « délire dans la réalité », la réalité se trouvant en l’occurrence incarnée ici par l’« autre ». On pourrait dire, de manière laconique, que chacun des conjoints « délire dans l’autre ».