L’usurpation d’identité, une forme de perversion narcissique ?
Les médias modernes ont commencé à nous ouvrir les yeux sur ce qui apparaît comme un véritable fléau pour ceux qui en sont les victimes : le fait que certains délinquants parviennent à s’emparer des données bancaires ou administratives d’une personne et les utilisent à mauvais escient. La victime dépouillée progressivement de ses biens, plongée dans un enfer juridico-administratif a toutes les peines du monde à s’extraire de ce détournement.
Cette description concerne un délit, certes détestable, mais assez aisé à comprendre. Nous estimons pour notre part que le concept d’usurpation d’identité va bien au-delà et peut s’appliquer à certaines situations familiales dramatiques. En voici un exemple. Une jeune fille grandit sous l’emprise d’une mère omniprésente. La mère se veut une « copine » de sa fille, à laquelle elle confie ses soucis intimes. La fille, âgée maintenant de dix-neuf ans, voit sa mère se servir de ses pull-overs, de ses chaussures ou de ses dessous. Mère et fille vont se promener de concert, on les prend parfois pour des sœurs. Lors des invitations de la fille, la mère est toujours présente. Maquillée outrageusement, faisant montre d’un comportement désinhibé, elle boit, fume des joints, drague ouvertement les jeunes amis de sa fille et ira même jusqu’à avoir des relations sexuelles avec plusieurs d’entre eux. Progressivement, la fille se sent de plus en plus mal. Elle consulte un psychiatre qui lui donne des antidépresseurs. Elle n’ose plus aller à ses cours, à l’université d’HEC. Elle finit par plonger dans un état délirant pour lequel elle est hospitalisée en psychiatrie. Pendant ce temps, la mère s’est inscrite en HEC. Elle suit les cours de sa fille.
Ce genre de situation pourrait être beaucoup plus fréquent qu’on ne le croit et nous avons été surpris de constater que leur description soulevait régulièrement des associations avec des cas similaires, parfois dramatiquement interprétés comme des rivalités « œdipiennes » alors qu’il s’agissait en réalité d’une forme particulière de maltraitance, équivalant à un meurtre psychique.
Maurice Hurni, Lausanne, le 10 février 2017.
PS (nov. 2017) Je dirais aujourd’hui que le terme d' »usurpation » est encore aimable. Celui de « dévoration d’identité » serait peut-être lus approprié.
Bonjour Maurice,
Je viens d’apprendre par J.P.C. la création de l’APAOR. C’est une bonne idée.
J’adhère totalement à ton analyse de l’usurpation d’identité, que la clinique révèle fréquemment.
A ce sujet je voulais te dire que le concept d’injection déprédatrice que tu as développé avec G.S. est d’une très grande pertinence clinique. En effet, les injections meurtrières s’accompagnent toujours de vampirisation. C’est un aspect dont je n’avais pas saisi toute la portée quand j’ai publié l’article sur l’injection projective.
Bonne année à toi et Giovanna. Amitié fidèle.
Alain Chéné